dimanche 23 août 2015

Cuba : qui a changé ?

Cuba : qui a changé ?

Il ne se passe pas de semaines sans que la presse salue le "dégel" des relations entre le U$A et Cuba. Et - grande victoire - le drapeau étasunien flotte à nouveau sur l'ambassade U$ de la Havane. Il était absent depuis 54 ans.
2015 - Drapeau U$ à La Havane
L'impérialisme étasunien a t il changé ? Il y a 53 ans les U$A imposait un embargo de fer au peuple cubain, lui qui avait osé nationaliser et donc exproprier les compagnies étasuniennes (23 février 1962).

jusqu'en 1959 l'ile était une sorte de province étasunienne sans réelle autonomie. Le tourisme, la drogue et la prostitution, principales activités assignées au peuple cubain profitaient à une élite corrompue dont le dernier représentant (Batista) fut chassé par Fidel Castro.
F. Castro   -  N. Kroutchev
Bien évidemment les tensions devinrent vives avec le grand voisin U$ au point que ce dernier tentât une invasion de l'île qui fut un échec cuisant. L'île devint une "République socialiste" soutenue par la Russie révisionniste de Kroutchev.

Mais la "révolution" cubaine n'a jamais été une révolution communiste. Elle s'apparente, comme nous le montrerons ci-après, à une lutte de libération nationale comme il s'en produisit alors partout en Afrique en particulier. Et l'embargo ne peut expliquer à lui seul le délabrement économique des classes populaires (alors que les classes intermédiaires et les membres du Parti bénéficient d’avantages certains).

Le mythe de "Cuba socialiste".

Nous l'avons vu rapidement, rien, dans cette révolte contre l'impérialisme U$ ne rappelle de près ou de loin les méthodes et l'art communiste de la révolution. Il convient ici de citer un révolutionnaire Haïtien, Antoine G. Petit qui vécu à Cuba de 1959 à 1963. Son témoignage est d'une grande importance pour comprendre le fond politique du "castrisme" :

( Antoine .G. Petit écrit cette lettre (extraits) à un de ses camarades vénézuélien en 1967 et commente
une décision de F Castro pour "assainir l'atmosphère" (politique) à Cuba)
Note : les textes en gras sont de l'initiative de la rédaction.

"..... A mon avis, le danger principal se trouve au sein même de la bureaucratie du parti et du gouvernement. Parmi les dirigeants et les hauts fonctionnaires ainsi que leurs protégés corrompu, sans conscience de classe, dépourvus du moindre sens de l'égalité raciale.  Les vrais bourgeois sont là, organisés en clans, entourés de leurs cours, intellectuels et artistes nihilistes ayant les yeux fixés sur Paris, vils imitateurs de leurs alter­ ego européens. Assainissement moral ? Mais qui a fait de la propagande pour la vie nocturne, les boîtes de nuit, la mini jupe sinon la revue « Cuba» elle-même?
Qui a introduit le yé-yé à La Havane? Qui a fait voyager Jean Ferrat à Cuba et qui est tombé en pâmoison devant lui? Qui enregistre les disques de prétendu « jazz moderne », imitation servile de la musique commercialisée, au détriment des inimitables rythmes cubains ? Oui, qui en est le responsable : les parasites, les déclassés, les contre-révolutionnaires ? Allons donc !

Il faut reconnaître néanmoins qu'en prenant ces mesures d'« assainissement », Fidel lève un lièvre d'importance. Il pense ainsi tarir la source du marché noir. (C'est déjà beaucoup qu'il en reconnaisse encore la persistance.) Mais il ne frappe que les intermédiaires. Or, il n'y a rien de plus facile à repousser que la mauvaise herbe sur un terrain propice.
Vois-tu, le Premier ministre déclare ingénument qu'il croyait que le petit commerce privé allait disparaître de lui-même sans qu'on ait besoin de prendre des mesures administratives à cet effet. Tout comme il nourrissait et continue à nourrir la même illusion en ce qui concerne le marché noir.
A plusieurs reprises, les dirigeants cubains ont avoué que leurs connaissances théoriques n'étaient pas très étendues au moment du triomphe de l'insurrection et qu'ils apprenaient en même temps que ceux qu'ils étaient appelés à diriger.

Mais que leur est-il arrivé? Ils ont commencé à apprendre de mauvais maîtres. (la Russie - NDLR) Quand ils s'en sont rendu compte, ils ont décidé qu'ils n'avaient plus rien à apprendre de personne, qu'ils étaient leurs propres maîtres et - ô comble de l'infantilisme! - les maîtres des autres.
En janvier dernier, des éléments TROP inféodés à Moscou ont été éliminés du parti, jugés et condamnés. Tu t'es empressé de te réjouir; tu t'es empressé de proclamer que « Cuba prenait de plus en plus ses distances à l'égard de Moscou » et de parler de « radicalisation ». Mais....Moscou a appris à supporter sans broncher les coquetteries et bouderies de ses ouailles.
....... Fidel a beau expliquer toutes les mesures importantes qu'il dicte et les faire entériner par les masses, il n'en reste pas moins que ce sont des mesures administratives, bureaucratiques. Des mesures approuvées, certes, avec enthousiasme par la base qui ne profitent nullement à son éducation parce qu'elle est étrangère à leur élaboration. C'est beau et émouvant d'entendre parler Fidel qui, d'ailleurs, ne s'en prive pas. Il a la langue bien pendue. Il s'identifie aux foules et exerce sur elles un magnétisme Irrésistible.
Des qualités de tribun, il en a à revendre. Je trouve tout cela très charmant. Ce que je trouve moins réjouissant, c'est le manque d'encadrement des masses. Le didactisme intelligent ou le génie politique du leader suprême ne peut pas remplacer cent mille cadres-courroies de transmission.

Cent mille cadres non formés à l'école révisionniste, exemples vivants du sacrifice révolutionnaire, qui apprennent auprès des masses tout en les orientant, qui assurent une liaison étroite et permanente entre la base et le sommet. Mais cela suppose beaucoup de choses. Entre autres et au premier chef: l'existence d'un véritable parti marxiste-léniniste (tu diras que c'est chez moi une idée fixe), une pensée directrice correcte, une ligne générale.

A propos de « ligne », il en existe bien une à Cuba, mais c'est une ligne brisée. Une ligne faite à la mesure d'un homme aux fluctuations constantes. La
« radicalisation » actuelle est un accès de fièvre, comme tant d'autres. Un accès de fièvre subséquent à l'échec de l'opération-Bolivie ( Assassinat de Che Guevara NDLR). Un accès rendu nécessaire par le reflux révolutionnaire momentané constaté ces jours-ci en Amérique latine."
Antoine G. Petit in "Castro, Debray. Contre le Marxisme-Léninisme" - 1968.

Au fond le "castrisme" n'est rien d'autre qu'un nationalisme. Nasser, Khadafi..... parmi de nombreux anti-colonialistes suivirent cette voie. Ils aboutirent pour quelques temps à retrouver l'indépendance volée de leur pays, mais l'impérialisme veille au grain. Et toutes ces "révolutions" (comme les révolutions "colorées" de notre époque) ne furent qu'une transition entre colonialisme et néo-colonialisme; corruption étrangère et locale et surtout pauvreté maintenue des peuples.

Toutes ces "révolutions" furent le résultat tragique de la ligne politique internationale que les dirigeants du Parti "Communise" Chinois mit en œuvre pour concurrencer, au plan international, la direction russe devenue révisionniste après la mort de Staline et le tournant crucial du 20ième congrès de l'URSS.
Chou en Laï - Soekarno - Nasser à Bandoeng

La conférence de Bandoeng valida entre le 18 et le 24 avril 1955
cette ligne qui définissait, ou prétendait définir un "troisième pouvoir", celui des "pays non alignés" ( ni pro-communistes, ni pro étasuniens).

A ce versant opportunisme, auquel Cuba adhéra dès sa fondation (en jouant un double jeu avec les russes !), succédera un épisode tragique, celui du volontarisme politique, du romantisme "révolutionnaire", dont la figure emblématique est Ernesto Che Guevara.

Dans un discours devant la Tricontinentale en 1967 (pays non alignés), il déclara :
"Comme nous pourrions regarder l'avenir proche et lumineux, si deux, trois, plusieurs Vietnam fleurissaient sur la surface du globe, avec leur part de morts et d'immenses tragédies, avec leur héroïsme quotidien, avec leurs coups répétés assénés à l'impérialisme, avec pour celui ci l'obligation de disperser ses forces, sous les assauts de la haine croissante des peuples du monde!
Et si nous étions tous capables de nous unir, pour porter des coups plus solides et plus sûrs, pour que l’aide sous toutes les formes aux peuples soit encore plus effective, comme l’avenir serait grand et proche!" 

Comment un "révolutionnaire" peut il demander aux peuples du monde de se lancer dans des guerres, même sous le motif d'affaiblir les U$A. Les peuples et les communistes sont pacifiques. Ils répondent à la violence réactionnaire, fasciste, impérialiste dès lors qu'il est préférable de se DEFENDRE et de défendre la  cause du peuple plutôt que de mourir !
Seuls les impérialistes et les réactionnaires provoquent des guerres. Les communistes recourent à la violence - en dernier recours - Ils s'y préparent, préparent idéologiquement et pratiquement les masses, mais jamais ils ne prirent l'initiative du déclenchement d'une guerre.

C'est le sens de toutes les réflexions de Marx, Engels, Lénine et Staline sur la question de la violence révolutionnaire.

L'épisode Guevara prit fin en Octobre 1967 en Bolivie où il était parti créer un de "ses" Vietnam ! Il mourut sous les balles de l'armée bolivienne.

Il s'ensuivit un culte repris par toutes les bourgeoisies du monde. Et aujourd'hui encore nous voyons des effigies du "CHE" partout, sur les tee shirt, les bistrots, les meetings de la "gauche".

Il n'y a rien de tel pour la bourgeoisie que de se fabriquer des "héros" inoffensifs politiquement; des icones qu'on peut reproduire comme on fait des idoles du show biz. Le gauchisme du CHE rend encore aujourd'hui ce service à la bourgeoisie. Et la jeunesse peut fêter ça en buvant un "cuba libre" (mélange Rhum + Coca Cola)  dans un verre à l'effigie de l'idole.

Pour résumer Cuba permet aujourd'hui à l'impérialisme de jouer sur deux tableaux :

1 - Idéologiquement, pour les gens de "gauche", pour les "humanistes branchés", pour les pseudos communistes, Cuba c'est LE pays du socialisme. Et à ce titre il convient que toutes ces bonnes âmes défendent "Cuba socialiste". Il n'ont jamais regardé de trop près l'histoire de la lutte de libération cubaine - que nous saluons comme telle (mais à laquelle il est matériellement impossible d'accorder le titre de révolution) -. Jamais ils ne portent un regard aiguisé sur la position de Castro par rapport au Kroutchévisme, ses volte faces entre Russie révisionniste et Chine opportuniste. Jamais ils ne font une analyse de la situation économique des classes sociales à Cuba.

Au fond ces gens ont besoin de CROIRE. Croire à une terre promise réalisée ici bas, croire en un lieu ou la contre-révolution n'aurait pas triomphée. L'adhésion religieuse à de telles croyances est aisée mais elle dispense de toute analyse pertinente -marxiste - de la réalité de Cuba.

2- Pour les U$A, Cuba est idéologiquement une affaire "en or". Faire croire au peuple étasunien que les méchants communistes sont aux portes de la patrie, quelle aubaine ! 
la puissance des médias U$ est telle qu'elle arrive à faire gober à des millions de gens que cette île minuscule qu'est Cuba, pauvre et mal armée serait un danger imminent pour le pays de l'oncle Sam, ses missiles, ses drones, ses mercenaires....et sa base militaire située sur Cuba même : Guantanamo !

Cuba a été plus utile "vivant que mort". Plus utile à la propagande U$ et rendue - de fait - totalement inoffensive par l'embargo et le lâchage de la Russie puis de la Chine.         
Là aussi Cuba a joué un rôle - à son corps défendant - de "petit satan" communiste.

Dans les deux cas il suffisait d'y croire !


Cuba, les U$A et le reste du monde.

2015, les discussions en cours entre Cuba et les U$A semblent se dérouler pour le mieux. Le drapeau étasunien flotte sur l'ambassade U$ à La Havane, on parle d'une levée proche de l'embargo. Les anti communistes de base parlent de trahison et Obama se fait mal voir par une partie de l'opinion publique U$ (peu importe il quitte la présidence à la fin de l'année, et ce n'est qu'un employé comme un autre).
Les gens de "gauche", les amis de "Cuba socialiste" sont heureux. A les écouter l'impérialisme U$ a fini par céder. En France ils y vont tous de leur couplet en l'honneur du "parti frère". Ecoutons les :

-    Le P"c"F le 18 décembre 2014 :" C'est la victoire du peuple cubain qui a toujours résisté avec dignité à la volonté de domination états-unienne et la victoire de tous les peuples du continent qui ont consolidé leur coopération et leur solidarité grâce à la création de nouvelles institutions d'intégration de l'Amérique latine dont Cuba est un acteur incontournable".
-    L'URCF le 18 décembre 2014 : "À quelques jours du 55eme anniversaire de la victoire des forces de la guérilla conduite par le camarade Fidel Castro, l’URCF réaffirme sa solidarité avec Cuba Socialista et le Parti Communiste Cubain".
-    Le PRCF le  11 février 2015 (Délégation à l'ambassade de Cuba en France)
"Nous avons ensuite évoqué la situation à Cuba et l’évolution de la situation économique. Il nous a été réaffirmé que Cuba est socialiste et le restera, le processus en cours qui est minutieusement étudié et contrôlé a pour but d’assurer sa base économique dans un environnement globalement capitaliste"

Brejnev  -  Castro
Comme dit le proverbe "qui se ressemble s'assemble". Et plus le temps passe, plus la situation internationale aussi bien que nationale évolue, plus nous constatons qu'il n'y a bien que deux camps. Celui des communistes, le nôtre; et celui des opportunistes et des traîtres, qu'ils soient de France ou de Cuba.

Ces mots pourront paraître durs à certaines oreilles. Certains camarades indécis pourront être chagrinés par nos propos, mais les communistes doivent parler francs et surtout DEMONTRER ce qu'ils disent, REVELER le dessous des cartes et c'est ce que nous allons faire ci-après.

Toute situation historique doit être analysée en fonction des rapports de force entre puissances capitalistes/impérialistes, entre classes sociales, à la fois à un moment donné mais aussi dans le MOUVEMENT de l'histoire, dans la durée.

Avec cette méthode que constatons nous :

En regardant une simple carte nous constatons que Cuba occupe une position stratégique dans la mer des caraïbes. En effet cette île est placée au centre d'un dispositif maritime vers lequel convergent tous les navires entrant ou sortant du canal de Panama (commerce transocéanique).
Panama, entièrement contrôlé par les U$A, est le passage obligé entre l'océan pacifique et l'océan atlantique.
Mais les choses vont changer (elles sont déjà en cours de changement !). Le monopole étasunien est terminé. Il y a deux raisons à cela :

1 - A 50 Km à l'Ouest de la Havane Cuba a construit la première tranche d'un port pouvant accueillir les navires de fort tonnage.
Dilma Roussef (Brésil) et R. Castro
inaugurent Port 
Il s'agit de Port Mariel. Sur l'exemple de la Chine des années 80 il s'agit d'une "zone économique spéciale" (entendre une privatisation de l'activité portuaire). Les investisseurs accourent : La construction des infrastructures portuaires  est revenue au groupe de BTP brésilien ODEBRECHT qui domine le marché latino américain. Les travaux – environ 1 milliard de dollars – ont été financés par un prêt du gouvernement brésilien. Le port, équipé de grues chinoises pourra recevoir les plus grands navires porte-conteneurs et pourra servir de centre de redistribution pour la Caraïbe de marchandises venues de Chine et d'ailleurs en passant par le canal de Panama dont les travaux d'élargissement s'achèvent. La gestion du nouveau port a été confiée à l’autorité portuaire de Singapour.
Le port de Singapour, le second du monde après Shanghai, a pris en gérance des terminaux à conteneurs dans le monde entier: Italie, Belgique, Pays-Bas, Japon, Corée du Sud, Argentine, Panama.

Situé à 100 Km des cotes de Floride Port Mariel - port en eaux profondes - et sa future zone franche constitueront à court terme l'un des principaux hubs des Caraïbes, apte à concurrencer Kingston (Jamaïque) et surtout Carthagène (Colombie). Il pourra accueillir les cargos Postpanamax venus d'Asie à destination des Etats-Unis, de l'Amérique latine, de l'Europe et de l'Afrique; des navires capables de transporter jusqu'à 12conteneurs et qui pourront emprunter le canal de Panama lorsque l'élargissement de ce dernier, désormais prévu en 2016, sera achevé.

Voici brièvement évoquée la première raison pour laquelle les U$A doivent absolument "occuper
la place"
Mais ce n'est pas tout, car :

2 - Le premier coup de pioche d'un nouveau canal transocéanique a été donné en décembre dernier à l’embouchure du fleuve Brito sur la côte Pacifique du Nicaragua. Ce, en présence du président Daniel Ortega
 ( ancien "rebelle" sandiniste) et du chinois Wang Jing,
D. Ortega et Wang Jing signent
l'accord sur le canal.
patron du Hong Kong Nicaragua Development Investment (HKND) et propriétaire de la société de télécommunications Xinwei. Ce richissime homme d'affaires a prévu d'investir l'essentiel du coût estimé (50 milliards de dollars) dans ce projet de canal long de 280 km (plus de trois fois la longueur de celui de Panama), devrait rejoindre Punta Gorda côté Caraïbes.
Ce Canal mesurera de 230 à 520 mètres de large, sur une distance de 278 km. Le tracé a été approuvé le 8 juillet 2014 par les autorités de Managua, la capitale du Nicaragua.
La  Chine se méfiant de Washington tient à assurer seule la sécurité du commerce entre la Chine, l’Amérique latine et le reste du monde (il est passé 28 à 250 milliards de dollars US entre 2000 et 2013), et le nouveau canal lui assurerait sécurité et volume croissant d'exportations.
R. Castro a rencontré le pape :"S'il
continue de cette façon, je vais
revenir à l'église catholique"
a déclaré R. Castro (Mai 2015)

Ce sont donc de grandes manœuvres géopolitiques qui se déroulent dans cette zone et dans tout cela Cuba n'est qu'un minuscule pion. Que ne feraientt pas les U$A pour préserver leur hégémonie ? Cuba vaut bien l'arrêt d'un embargo, d'autant plus que Port Mariel (zone franche) est ouvert à TOUS les investisseurs, y compris U$.



Et le "socialisme" cubain vaut bien une messe.

La Chine, puissance impérialiste internationale montante, le Brésil petit impérialisme local, se taillent la part du lion. Mais même la France par l'intermédiaire de Jean-François Tallec, le représentant de CMA-CGM (troisièmeérateur mondial de conteneurs), a investi quelques dizaines de millions de dollars pour gérer une zone   d’entrepôt.....

Les impérialiste étasuniens se trouvent donc confrontés a bien d'autres menaces que ce que pensent les anticommunistes nourris à l'anticastrisme. C'est la perte même de leur hégémonie dans le Golfe du Mexique, la disparition programmée de sa domination dans les flux de marchandises allant et venant entre Pacifique et Atlantique.

Mais bien entendu Mr Kerry, l'envoyé d'Obama à Cuba venu hisser le drapeau U$, n'en parle pas. Il parle et parle encore de "démocratie" de "liberté".
           
Bien entendu nos prétendus communistes français, italiens, espagnols, portugais ou d'ailleurs .... bref tous les opportunistes qui usurpent le titre de communistes, n'en parlent pas eux non plus.

Les impérialistes se taisent car il ne faut jamais montrer le dessous des cartes.

Les opportunistes se taisent par ignorance, par abandon depuis des décennies des méthodes d'analyse du matérialisme dialectique, du communisme vivant.
Mais au fond le résultat est le même. Rester à la surface des choses. Se contenter de bons sentiments et de vagues déclarations.

La connaissance est une arme. Ne pas éduquer les peuples, leur raconter des boniments et des mensonges c'est cautionner leur esclavage, c'est faire perdurer une situation inhumaine.

 Le peuple cubain et les peuples du monde ont payé cher les méfaits impérialistes et les trahisons opportunistes. Puisse ce modeste article contribuer à aider les révolutionnaires sincères à briser l'ignorance dans laquelle on veut enfermer les peuples.


Organisation des Communistes de France  - Août 2015

Contact  :  OCF< arobase> KOMINFORM.ORG

dimanche 12 juillet 2015

GRECE : tragédie ou comédie ?

GRECE : tragédie ou comédie ?


Dans son livre "Le 18 Brumaire" K. Marx écrit : "Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce."

Il nous aura donc été donné de voir en ce début de juillet 2015, et pour ceux qui connaissent un peu l'histoire du peuple grec, la deuxième partie de l'écrasement d'un peuple. Au sortir de la deuxième guerre mondiale les monarcho-fascistes soutenus militairement par les anglo-américains n'hésitèrent pas à organiser une guerre sans pitié contre ce peuple qui ne demandait qu'à vivre libre, hors de toute tutelle.  La tragédie était jouée.

70 ans plus tard, la farce (électorale) sert de décor à une farce aux conséquences incalculable pour le peuple grec. Il revient à de jeunes lycéens grecs se réclamant de l'anarchisme d'avoir peut être écrit, le plus clairement qu'il soit, le "choix" qui fut proposé aux grecs en ce sinistre 5 juillet 2015. Nous leur laissons la parole :
"L’Etat grec est à la recherche de complices. Le référendum est la meilleure façon de les trouver. En offrant généreusement des illusions de libre-arbitre et en nous faisant contribuer au projet de son renforcement, son désir le plus fou est matérialisé : Nous serons ceux qui fermerons leur propre pierre tombale ! Le dilemme est simple : oui ou non ? Mauvais créanciers étrangers ou bonne gestion de l’État par la gauche ? Mémorandum lourd ou léger ? Mesures coûtant 12 milliards ou 8 milliards ?"

Note : Ont appelé au référendum : les conservateurs de la Nouvelle démocratie (équivalent de l’UMP-LR),- les socialistes du Pasok (équivalent du PS),- les centristes du parti To Potami (équivalent du MoDem),- la droite souverainiste des Grecs indépendants (ANEL), partenaire de coalition de Syriza, (équivalent du FN ou de DLF),- et même les communistes du KKE !



En effet les employés provisoire du capital en Grèce, Syriza et Tsipras (en alliance avec la droite nationaliste !) jouent aux petit caïds et manipulent le peuple. Mais qui nous fera croire que Tsipras est un ingénu ? 
Tspiras aujourd'hui joue le rôle qu'on lui a autorisé à jouer : manipulateur, charmeur, pour maintenir 1 an, 6 mois .... ? le pouvoir du capital en Grèce. Jamais il n'a dit qu'il voulait quitter l'Europe, l'Euro et l'OTAN. Il a dit l'exact contraire. Seuls les sourds et les bobos gogoche de salon veulent y croire.
Donc Mr Tsipras joue au malin. Le référendum bidon était-il programmé de très haut ? Peu nous importe au fond.

Il fallait un exécutant. qu'il soit "local" (grec) ou d'ailleurs. Et les grecs ont voté : 61% pour le  "non" (un "non" de mendiant, pour soi-disant renégocier avec l'Europe; Europe (capitalistes européens)  qui n'a de cesse depuis 70 ans de saigner ce peuple au nom de sa proximité avec la Turquie et que ne lui a jamais pardonné d'avoir tenté d'abandonner sa souveraineté sans combattre.

Mais STOP. On nous ment sur toute la ligne. 41% de grecs ce sont abstenus ! Résultats officiels en fonction des INSCRITS  :


Et  Mélenchon, Hollande, certains souverainistes s'extasient :  "la démocratie a triomphé". Et de rêver - demain peut être - à une rustine du même style avec Podemos en Espagne, le Front de "gauche" en France ....

L'illusion mortelle de la démocratie bourgeoisie.

Ce référendum grec est l'illustration parfaite de ce dont le capitalisme est capable pour conserver son pouvoir. Pour le moment la "voie pacifique" vers le capitalisme au travers des élections triomphe en Europe . Nos jeunes amis grecs l'ont bien formulé : " .....En offrant généreusement des illusions de libre-arbitre et en nous faisant contribuer au projet de son renforcement, son désir le plus fou est matérialisé : Nous serons ceux qui fermerons leur propre pierre tombale !.....

Quelle merveille pour les capitalistes que d'avoir des populations entières (moins les abstentions !) qui acceptent, démocratiquement, de se laisser plumer - ou pire de choisir COMMENT se faire plumer!

Mais ce système fonctionne tant qu'il y a de l'argent pour payer .... les pauvres. Pour "aider" les "déshérités" à maintenir la tête hors de l'eau. Des RSA par ci, des allocations par là, des CMU, des Restos du cœur....

Dans cette crise profonde du système capitaliste tout cela est de l'argent gaspillé. La loi d'airain du Capital : le profit maximum, est entravée dans son avidité. Il faudra faire payer encore plus les pauvres (ils sont les plus nombreux !). 
Les capitalistes s 'en sont sortis en fabriquant de la monnaie de singe en masse. Mais cette masse monétaire devient un danger pour eux car elle ne repose pas sur des usines, sur l'industrie, sur la création de biens matériels, sur la seule exploitation des hommes.

Mario Draghi, Vice président de Goldman Sachs Europe
Directeur de la banque d'Italie
Président de la Banque Centrale européenne.
Le grand serviteur du capital financier.

C'est le propre du Capital Financier d'être la phase autodestructrice du capital en général. L'argent ne fait pas de l'argent. Il n'y a de richesses que par l'exploitation du travail humain.
Marx expliquait que cela conduisait à une "paupérisation absolue", en d'autres termes, le capitalisme n'a pas d'autres "choix" (dans cette phase particulière) que d'appauvrir, jusqu'à   la misère, la faim, la dépression ... l'immense majorité des peuples.

Ce qui est nouveau aujourd'hui c'est l'apparition -  en tant que structure politique,  en tant que CLASSE CONSTITUÉE,  - de la classe petite bourgeoise : cadres, fonctionnaires, employés de niveau supérieur;  Syriza, Podemos, Front de gauche, M'PEP.... en sont les émanations.

Les partis qui ont le titre de "communistes" ayant été détruits par des années de collaboration de classe et de trahison (avec l'aide des syndicats qu'ils dirigeaient alors), ne peuvent plus prétendre à fédérer le fer de lance de tout changement social : la classe ouvrière (celle qui n'a pas d'illusions sur son sort et qui n'a rien d'autre à perdre que ses chaines).

Le champ est donc libre pour tous les illusionnistes.


Mais pourquoi tiennent il donc autant à la Grèce ?

L'enjeu grec c'est celui d'un laboratoire politique, économique et géo politique.

Laboratoire Politique :

Dans les pays arabes ou les ex-pays de l'Est nous avons assisté à des "révolutions de couleur", avec des noms de fleurs et de parfums. C'était la phase directe de l'interventionnisme américano-européen dans les affaires intérieures de pays souverains (Géorgie, Yougoslavie, Tunisie, Libye, Egypte, etc ...). Mise en place directe de pouvoirs militaires ou mafieux.

La "ficelle" commençant à être usée il fallait s'adapter à la "mentalité européenne" et aux sociologies spécifiques de ces pays que l'ont dit "avancés".

Deux ingrédients sont à la disposition des capitalistes : l'électoralisme encore vivace et une classe petite bourgeoise importante, structurée, qui sent qu'elle va perdre son statut privilégiée.
Et c'est là le sens réel de ce référendum grec du 5 juillet dernier. L'Espagne et d'autres pays du sud suivront cette méthode.

Pour la France c'est déjà fait. Le coup d'état a réussi le jour de l'Election de Mr Hollande. La Loi Macron, les lois dites "sécuritaires" ont cassé le code du travail, validé la privatisation du secteur public, autorisé la précarité...


Et de toute façon si les méthode électoralistes, parlementaires, ne suffisaient pas, - les grecs ont l'habitude - on trouverait toujours quelque général ou colonel prêt à "sauver la patrie".


Laboratoire économique :

 les instruments qu'utilisent les capitalistes pour appauvrir les peuples doivent constamment être affinés (cela s'appelle la lutte des classes). Jusqu'à présent seules de petits pays comme l'Irlande avaient servis de laboratoire. La Grèce (le peuple grec) est déjà extrêmement affaiblie. Les hôpitaux ferment.  Selon Liani Maili, présidente de Médecins du Monde Grèce, la régression ne s’arrête pas là. « La mortalité infantile a augmenté de 43 % », indique-t-elle. « Ici, la situation est extrême. On assiste à la décomposition pure et simple du système de santé. Il y a des millions de gens exclus du système. Et ceux qui en bénéficient ne peuvent y avoir accès, car il a fermé ses portes. Il y a aussi ceux, de plus en plus nombreux, qui ont un travail et un salaire, mais qui ne peuvent payer leurs médicaments. Ceux-là aussi, on doit s’en occuper. La situation est tragique. »
De fait, après six années de récession, le nombre des non-assurés en Grèce est estimé à trois millions, soit plus d’un quart de la population. Sans parler des 28 % de chômeurs qui souvent n’ont plus de droits. Fermeture brutale de tous les centres de sécurité sociale (sous Tsipras)....

Alors laisser la "gauche"(Syriza)  arriver au pouvoir c'est un excellent moyen de tester JUSQU'OU on peut écraser un peuple sans qu'il se révolte. Jusqu'à quel degré d'illusion peut on pousser un peuple pour qu'il accepte de se soumettre ?

Au demeurant ce dimanche 12 juillet on pouvait entendre sur France Intox un député grec revendiquant  pour la Grèce (le peuple grec ?) le droit de choisir :  "SON processus d'austérité" !!!

Laboratoire géo-politique :

La Grèce contrôle le débouché de la Mer Noire sur la Méditerranée. Au Nord de la mer noire se trouvent les grandes bases militaires navales russes. Le passage libre de la flotte russe est un enjeu stratégique. Poutine ne s'y est pas trompé en proposant fin juin 2015 que l'oléoduc "south stream" passe par la Turquie et la Grèce (il offre 5 milliards de dollars si cela se concrétise !).
Les U$A ont réagi immédiatement en envoyant un émissaire en Grèce et auprès des autorités européennes.

Mais la Grèce c'est aussi le grand port commercial du Pirée. En Mars Tsipras a annonce (contrairement à ses promesses!!) que l'Etat grec céderait ses parts majoritaires à la Chine (qui détient les autres !).

Là aussi il s'agit d'un point stratégique pour le commerce international. Le Pirée étant le passage obligé des marchandises transitant par le canal de Suez. Et L'Egypte vient de doubler la capacité de transit du canal en faisant de gigantesques travaux.

La Grèce enchainée :

L'Europe ( les capitalistes ) ne peut pas se passer de la Grèce. A la fois port majeur mondial, verrou de la marine russe, on comprend bien que peu importe ce que pensent les grecs, la manière dont ils vivent. Ils DOIVENT rester des bons petits toutous attachés à la laisse de l'UE et de l'OTAN.

Que la Grèce sorte ou pas de l'Europe peu importe au fond. Qu'il s'agisse d'un contrôle direct ou indirect ce pays et son peuple sont pris en otage par les capitalistes. Il est le théâtre de grandes rivalités entre russes, étasuniens, chinois, européens; et il doit demeurer sous dépendance. Voici le fond du problème grec.

Le capitalistes étasuniens ont étranglés ce pays à travers la banque Goldman Sachs pour le mettre à genou. Aujourd'hui on voit le résultat.


Quelles perspectives pour le peuple grec ?

Le KKE (parti communiste grec) l'équivalent du P"c"F qui a appelé à l'abstention au référendum a déclaré : " le KKE appelle le peuple à utiliser le référendum comme une occasion de renforcer son opposition à l’UE, afin de renforcer la lutte pour la seule sortie réaliste de la barbarie capitaliste d’aujourd’hui. Le contenu de cette sortie est : RUPTURE-DESENGAGEMENT DE L’UE, ANNULATION UNILATERALE DE LA DETTE, SOCIALISATION DES MONOPOLES, POUVOIR DES TRAVAILLEURS".

Paroles en l'air. Comme d'habitude les partis révisionnistes (communistes en parole, traîtres dans les faits) se contentent de déclaration qui ne coûtent rien : "sortie réaliste"... "désengagement de l'UE"... "Annulation de la dette"..."Socialisation des monopoles"..."Pouvoir des travailleurs".....

Très bien Messieurs, mais COMMENT allez vous réaliser cela ? Par les élections démocratiques, en disant à vos armateurs et vos popes de faire leur valise, en réquisitionnant leurs biens avec votre  ....Armée, votre police ?  Ils vont céder leur pouvoir comme cela ? Mais qui va vous croire ? 

Cela fait des dizaines d'années que vous avez collaboré à ce système comme vos clones en France, en Allemagne, en Espagne, partout en Europe, et vous croyez que les gens vont aller se faire massacrer pour vous ?
Honte à vous qui avez participé à l'effondrement politique du prolétariat grec ! Vous avez désarmé politiquement et idéologiquement le peuple grec. Nul ne croit plus à vos mots d'ordre, nul ne vous suivra. Vous aurez simplement, comme beaucoup d'autres, fait le lit du fascisme qui partout renaît en Europe et est au pouvoir en Ukraine.


Quelles leçons pour les communistes ? :

Bien sûr les peuples du monde et les communistes regardent avec attention le "cas" grec. Bien entendu nos pensées sont avec ce peuple qui va se faire - inéluctablement - écraser par les puissances capitalistes.

Beaucoup de camarades en Europe et ailleurs doivent tirer les leçons du "cas" grec. 

La première d'entre elles c'est que sans avant-garde, sans parti communiste, un peuple n'est rien. Nous ne devons pas céder au pessimisme mais apprendre de l'histoire qui se déroule sous nos yeux pour renforcer nos relations internationalistes, pour développer rapidement des organisations communistes.
Il n'y a  pas de fatalité. Ce sont les
hommes qui font l'histoire.
(Le mythe de Sysyphe)

Les partis de la "gauche", c'est à dire de cette classe petite bourgeoise qui est entrain d'enterrer le peuple grec doivent être considérés comme des Kollabos dans tous les pays. Il n'y a aucun compromis à faire avec des podemos, des Mélenchon, des socialos ... Ce que nous avons à créer doit être en dehors de tous ces grenouillages.

La tentation nationaliste exprimée par certains gauchistes (alliés parfois à des souverainistes bourgeois comme le PR"C"F en France) au nom de la révolution bourgeoise de 1789 et du vieux Conseil National de la Résistance, est tout autant un danger pour les communistes de la phase de l'impérialisme si bien décrite par Lénine.

Ce n'est qu'indépendamment de ces cliques que nous pourrons édifier l'outil strictement nécessaire pour transformer la société, les rapports sociaux; pour éviter que le "cas grec" ne se reproduise  : Un parti communiste.


France 12 Juillet 2015


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lundi 29 juin 2015

GRECE : quand la "gauche de la gauche" collabore.

Syriza, le pillage et l’effondrement: Quand la « gauche dure » épouse les politiques de la droite dure

(La Direction de l'O.C.F publie cet article avec un total accord sur ce que son auteur analyse). 

La Grèce a fait les manchettes de la presse financière internationale durant les cinq derniers mois, alors qu’un parti de gauche nouvellement élu, « Syriza », s’oppose ostensiblement aux soi-disant « mesures d’austérité » en confrontant la troïka (le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne).

Dès le début, les dirigeants de Syriza, mené par Alexis Tsipras, ont adopté plusieurs positions stratégiques aux conséquences fatales relativement à la mise en oeuvre de leurs promesses électorales d’élever le niveau de vie, de mettre fin à la vassalité envers la « troïka » et de se doter d’une politique étrangère indépendante.

Nous allons procéder en décrivant les échecs systémiques initiaux de Syriza et les concessions ultérieures érodant davantage le niveau de vie grec, tout en accentuant le rôle de la Grèce comme collaborateur actif de l’impérialisme étasunien et israélien.

Gagner les élections et céder le pouvoir

La gauche européenne et nord-américaine a célébré la victoire électorale de Syriza comme une rupture avec les programmes d’austérité néolibérale et le lancement d’une alternative radicale, laquelle mettrait en place des initiatives populaires en faveur de changements sociaux fondamentaux. Ces initiatives comprendraient des mesures pour créer des emplois, restaurer les pensions, annuler les privatisations et réorganiser les priorités du gouvernement en favorisant le paiement des salariés avant le remboursement des banques étrangères. La « preuve » de l’existence du programme de réforme radicale se trouvait dans le « Manifeste de Thessalonique », lequel, promettait Syriza, serait le programme guidant ses nouveaux élus.
Front de gauche, Syriza, P"c"F; les travailleurs n'ont que
faire de ces collaborateurs.
La 6ième république prônée par ces gens là ce n'est que le
capitalisme, toujours le  capitalisme !
Toutefois, avant d’avoir été élu et immédiatement après, les dirigeants de Syriza ont pris trois décisions fondamentales empêchant toute modification profonde. En effet, ces décisions ont établi un parcours réactionnaire.
En premier lieu, Syriza a accepté la dette extérieure de plus de 350 milliards de dollars comme légitime, bien qu’elle ait été approuvée par les kleptocrates du gouvernement précédent, des banques corrompues et des intérêts commerciaux, immobiliers et financiers. Pratiquement aucune partie de cette dette n’a été utilisée pour financer des activités productives ou des services cruciaux qui renforceraient l’économie et la future capacité de la Grèce à rembourser les prêts.
Des centaines de milliards d’euros ont été planqués dans des comptes bancaires et des biens immobiliers à l’étranger ou investis dans des actions et des obligations à l’étranger. Après avoir d’abord affirmé la « légitimité » de la dette illicite, Syriza a ensuite déclaré sa « volonté » de payer cette dette. La « troïka » a immédiatement compris que le nouveau gouvernement Syriza serait un otage volontaire se soumettant à plus de coercition, de chantage et de paiements de la dette.
Deuxièmement, en lien avec ce qui précède, Syriza a déclaré sa détermination à demeurer au sein de l’Union européenne et de la zone euro, renonçant ainsi à sa souveraineté et à sa capacité d’élaborer une politique indépendante. Le parti a exprimé sa volonté de se soumettre aux exigences de la troïka. Une fois sous l’emprise de celle-ci, la seule politique de Syriza consisterait à « négocier », « renégocier » et faire de nouvelles concessions aux banques étrangères de l’UE dans un processus totalement unilatéral. La soumission rapide de Syriza à la troïka était la deuxième trahison stratégique de son programme électoral, mais pas la dernière.
Une fois que Syriza eut démontré à la troïka sa volonté de trahir son programme populaire, cette dernière s’est montrée plus exigeante et plus intransigeante. Bruxelles a considéré la rhétorique gauchiste de Syriza et ses gestes théâtraux radicaux comme de la poudre aux yeux de l’électorat grec. Les banquiers européens savaient que lorsqu’il serait temps de négocier de nouveaux accords de prêt, les dirigeants de Syriza capituleraient. Pendant ce temps, la gauche euro-étasunienne a complètement avalé la rhétorique radicale de Syriza sans regarder ses pratiques.
Troisièmement, dès son entrée en fonction, Syriza a négocié une coalition avec les Grecs indépendants, un parti d’extrême-droite, pro-OTAN, xénophobe et anti-immigration, garantissant que la Grèce continuerait à soutenir les politiques militaires de l’OTAN au Moyen-Orient, la campagne brutale de l’Ukraine et Israël contre la Palestine.
Quatrièmement, la majeure partie du Cabinet nommée par le premier ministre Tsipras n’avait aucune expérience dans la lutte des classes. Pire encore, la plupart étaient des universitaires et d’anciens conseillers du PASOK, sans aucune capacité ou volonté de rompre avec les diktats de la troïka. Leur « pratique » académique était constituée en grande partie de « combats » théoriques mal adaptés à de réelles confrontations avec des puissances impériales agressives.

De l’égratignure à la gangrène

En capitulant devant l’UE dès le début, en acceptant, entre autres, de payer la dette illégitime, en s’alliant à l’extrême droite et en se soumettant aux diktats de la troïka, la table était mise pour que SYRIZA trahisse toutes ses promesses et alourdisse le fardeau économique de ses partisans. Les pires trahisons comprennent : (1) ne pas avoir rétabli le paiement des pensions (2) ne pas avoir réinstauré le salaire minimum; (3) ne pas avoir annulé les privatisations; (4) ne pas avoir mis fin aux programmes d’austérité; et (5) ne pas avoir augmenté les fonds pour l’éducation, la santé, le logement et le développement local.

La troïka et ses publicistes de la presse financière exigent que Syriza fasse davantage de compression dans le régime de retraite grec, appauvrissant ainsi plus de 1,5 million de travailleurs retraités. Contrairement aux « exemples » bidons des médias sur les pensions généreuses dont jouissent moins de 5 % des retraités, les Grecs ont subi les plus importantes réductions de fonds de retraite en Europe au cours du dernier siècle. La troïka a réduit les pensions grecques huit fois au cours des quatre dernières années seulement. La grande majorité des pensions ont été réduites de près de 50 % depuis 2010. La pension moyenne est de 700 euros par mois, mais 45% des retraités grecs reçoivent moins de 665 euros par mois, un revenu se situant sous le seuil de pauvreté. Toutefois, la troïka exige des réductions encore plus importantes.

Celles-ci comprennent la fin des subventions budgétaires pour les retraités vivant dans l’extrême pauvreté, une augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans, l’abolition des dispositions des plans de retraite liées aux travaux dangereux et favorisant les mères au travail. Les mesures régressives antérieures, imposées par la Troïka et mises en oeuvre par le régime de coalition d’extrême droite précédent, ont sérieusement épuisé la caisse de retraite grecque. En 2012, le programme de « restructuration de la dette » de la troïka a mené à la perte de 25 milliards d’euros en réserves détenues par le gouvernement grec dans des obligations gouvernementales.

Les politiques d’austérité de la troïka ont veillé à ce que les réserves de la caisse de retraite ne soient pas renouvelées. Les contributions ont chuté lorsque le chômage a grimpé à près de 30 % (Financial Times, 05-06-15, p4). Malgré l’assaut frontal de la troïka sur le régime de retraite grec, l’« équipe économique » de Syriza a exprimé sa volonté d’augmenter l’âge de la retraite, de réduire les pensions de 5 % et de négocier pour trahir à nouveau les retraités qui font face à la misère. Syriza a non seulement manqué à sa promesse de campagne consistant à annuler les politiques régressives précédentes, mais s’est aussi engagé dans ses propres traîtrises « pragmatiques » avec la troïka.

Pire encore, Syriza a intensifié les politiques de ses prédécesseurs réactionnaires. Syriza (1) a promis de geler les privatisations, mais le parti s’engage maintenant à les accroître de 3,2 milliards d’euros et de privatiser d’autres secteurs publics; (2) a accepté de transférer des ressources publiques limitées à l’armée, dont un investissement de 500 millions d’euros pour mettre à jour l’Armée de l’Air grecque; (3) a pillé la caisse nationale de retraite et les trésoreries municipales pour plus d’un milliard d’euros afin de payer la dette à la troïka; (4) a réduit les investissements publics pour la création d’emplois dans des projets d’infrastructure afin de respecter les délais de la troïka; (5) a accepté un excédent budgétaire de 0,6 % au moment où la Grèce a un déficit de 0,7 % cette année, ce qui signifie davantage de réductions plus tard cette année; (6) a promis de réduire la TVA sur les éléments essentiels comme la nourriture, mais accepte aujourd’hui un taux de taxation de 23 %.

P. Kammenos, un agent de l'OTAN. Toujours très proche
des militaires grecs. Un recours quand le peuple grec
basculera dans la révolte.
La politique étrangère de Syriza imite celle de ses prédécesseurs. Le ministre de la Défense de Syriza, Panos Kammenos, issu de l’extrême droite, était un fervent partisan des sanctions étasuniennes et
européennes contre la Russie. Malgré la vague habituelle de fausse « dissidence » face aux politiques de l’OTAN, Syriza a totalement capitulé par la suite, afin de maintenir une bonne réputation au sein de l’OTAN. Le régime de Syriza a permis à tous les kleptocrates et fraudeurs fiscaux bien connus de conserver leur richesse illicite et d’augmenter leurs avoirs à l’étranger grâce au transfert massif de leurs «économies » à l’extérieur du pays. À la fin mai 2015, le Premier ministre et le ministre des Finances, Tsipras Varofakis, ont vidé le trésor public pour effectuer des paiements sur la dette, augmentant ainsi les perspectives que les retraités et les travailleurs du secteur public ne reçoivent pas leurs prestations. 

Après avoir vidé le Trésor grec, Syriza va maintenant imposer la « solution de la troïka » à la masse grecque appauvrie : ou vous acceptez un nouveau plan d’« austérité », réduisant les pensions, augmentant l’âge de la retraite, éliminant les lois du travail protégeant la sécurité d’emploi et les droits de négociation des travailleurs ou les caisses de l’État seront vides, vous n’aurez pas de pensions, le chômage augmentera et la crise économique s’aggravera. Syriza a délibérément vidé le trésor public, pillé les fonds de pension et les fonds municipaux pour faire du chantage à la population et la pousser à accepter comme un « fait accompli » les politiques régressives de banquiers intransigeants de l’UE, les soi-disant « programmes d’austérité ».

Dès le tout début, Syriza s’est plié aux diktats de la troïka, même lorsqu’il simulait leur « résistance de principe ». Ils ont d’abord menti à l’opinion publique grecque, qualifiant la troïka de « partenaires internationaux ». Ensuite, ils ont menti à nouveau en qualifiant le mémorandum de la troïka pour une plus grande austérité de « document de négociation ». Les tromperies de Syriza étaient destinées à dissimuler le fait qu’il maintenait le « cadre » très impopulaire imposé par le précédent régime discrédité de la droite dure.
Alors qu’il pillait les ressources du pays pour payer les banquiers, Syriza s’est davantage soumis aux puissances étrangères. Son ministre de la Défense a offert de nouvelles bases militaires pour l’OTAN, dont une base aérienne-maritime sur l’île grecque de Karpathos. Le parti a accru l’appui politique et militaire de la Grèce à l’intervention militaire des États-Unis et de l’UE au Moyen-Orient, ainsi que son soutien aux « terroriste modérés », invoquant le prétexte ridicule de « protéger les chrétiens ». Syriza, s’attirant les bonne grâces des sionistes européens et étasuniens, a renforcé ses liens avec Israël, évoquant une « alliance stratégique » avec l’État terroriste pratiquant l’apartheid. Dès les premiers jours de son mandat, Kammenos, le ministre de la Défense de la droite dure, a proposé la création d’un « espace de défense commun » incluant Chypre et Israël, appuyant ainsi le blocus aérien et maritime de Gaza par l’État hébreu.

Conclusion

La décision politique de Syriza d’« intégrer » à tout prix l’UE et la zone euro, signale que la Grèce continuera d’être un État vassal, trahissant son programme et adoptant des politiques profondément réactionnaires, tout en claironnant sa fausse rhétorique gauchiste et en feignant de « résister » à la troïka. Bien que Syriza ait pillé la caisse de retraite nationale et les trésoreries locales, de nombreux gauchistes égarés en Europe et aux États-Unis continuent d’accepter et de rationaliser les décisions du parti qu’ils choisissent de qualifier de « compromis réalistes et pragmatiques ».

Syriza aurait pu confisquer et utiliser 32 milliards de dollars d’actifs immobiliers détenus par les Forces armées grecques afin de mettre en oeuvre un plan d’investissement et de développement différent, soit louer ces propriétés à des ports maritimes commerciaux, des aéroports et des installations touristiques.

Syriza a enfoncé la Grèce encore plus profondément dans la hiérarchie dominée par la finance allemande en abandonnant son pouvoir souverain d’imposer un moratoire sur la dette, de quitter la zone euro, gérer les ressources financières, rétablir une monnaie nationale, d’imposer des contrôles de capitaux, de confisquer des milliards d’euros dans les comptes illicites à l’étranger, mobiliser des fonds locaux pour financer la reprise économique et réactiver le secteur public et privé. À plusieurs reprises, le faux « secteur gauche » au sein de Syriza a formulé d’impuissantes « objections », pendant que la mascarade Tsipras -Varofakis procédait à la capitulation ultime.
En fin de compte, Syriza a aggravé la pauvreté et le chômage, augmenté le contrôle étranger sur l’économie, érodé davantage le secteur public, facilité le licenciement des travailleurs et réduit les indemnités de départ, tout en augmentant le rôle de l’armée grecque en resserrant ses liens avec l’OTAN et Israël.

Autre fait tout aussi important, Syriza a totalement vidé la phraséologie gauchiste de toute signification cognitive : pour ses membres, la souveraineté nationale se traduit par la vassalité aux puissances étrangères, et l’anti-austérité consiste à capituler de façon pragmatique devant une nouvelle forme d’austérité. 

Lorsque l’accord Tsipras-troïka sera finalement signé et que l’opinion publique grecque prendra conscience des ravages que fera l’austérité dans les prochaines décennies, nous espérons que les trahisons susciteront une répulsion massive. Peut-être qu Syriza se divisera et que la « gauche » abandonnera enfin ses postes ministériels tranquilles pour aller rejoindre les millions de mécontents afin de former un autre parti.

James Petras